Après avoir exploré l’héritage de Rome au Maghreb, nous vous invitons ce mois-ci à une traversée de l’Europe sur les traces de la civilisation romaine. L’Empire romain a été un moment d’unification politique, culturelle et religieuse pour l’Europe et ses peuples. Pendant des siècles, et jusqu’à aujourd’hui, il a largement façonné le paysage, l’organisation et la culture de notre continent. De l’Italie à l’Allemagne, de la Croatie à la Grèce, partons à la découverte de quelques-uns des plus spectaculaires vestiges romains d’Europe.
L’épicentre italien
Dans la Rome contemporaine, le souvenir vivace de l’Empire surgit à chaque coin de rue, mêlé aux splendeurs baroques ou gothiques. Symbole parmi les symboles, le Colisée incarne à lui seul la ville éternelle aux yeux du monde. Flâner parmi les vestiges du Forum romain, les villas de la colline du Palatin, ou battre le pavé millénaire de la Via Appia Antica, suffit à s’évader vers un autre temps.
Partout en Italie se dressent encore des témoignages éloquents de la grandeur de la Rome antique. Ils se font particulièrement troublants à Pompéi, figée pour l’éternité dans la lave du Vésuve. En Sicile, l’influence romaine s’amalgame souvent avec celle des Grecs et des Carthaginois : les Romains ont par exemple largement remanié les théâtres grecs de Taormine, de Tindari, ou celui de Neapolis à Syracuse. La Villa del Casale de Piazza Armerina, quant à elle, éclate de romanité, à travers ses immenses mosaïques dépeignant la vie quotidienne au IVe siècle.
La France et l’Espagne, aux premières loges
Par proximité géographique et opportunité politique, Rome a essaimé précocement vers la Gaule et l’Hispanie. Le sud de la France regorge aujourd’hui de théâtres et d’arènes romaines (Narbonne, Nîmes, Orange, Arles…), tandis que le pont du Gard témoigne avec majesté de la sophistication des infrastructures impériales. À Vaison-la-Romaine, c’est tout une cité gallo-romaine qui se dresse encore sous nos yeux. Plus au nord, la porte antique de Reims ou les arènes de Cluny rappellent la puissance régionale de l’Empire.
En Espagne, Tarragone, première colonie romaine de la péninsule ibérique, abrite un bel ensemble de vestiges classés par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité. Un spectaculaire aqueduc romain, long de 15 kilomètres, veille sur la ville moderne de Ségovie. Pour découvrir les plus grands théâtres romains du pays, il faut se rendre à Saragosse ou à Carthagène. Non moins spectaculaire, celui de Mérida cohabite harmonieusement avec un impressionnant temple de Diane, un cirque, des thermes, un aqueduc…
Une Rome septentrionale, en Allemagne ou en Angleterre
Fondée en l’an 16 av. J.-C. par l’empereur Auguste, la ville de Trèves, en Allemagne, recèle l’un des plus grands ensembles de monuments romains encore visibles dans le monde. Elle dévoile aux promeneurs de spectaculaires réalisations architecturales, comme la Porta Nigra ou les thermes impériaux. Plus à l’est du pays, le fort de Saalburg, transformé en musée et en partie reconstruit, témoigne de l’emprise militaire qu’a pu avoir Rome dans la région.
En Angleterre, la province romaine de Britannia laisse encore quelques traces remarquables. La plus célèbre est sans doute le colossal mur d’Hadrien, vestige de la forteresse de Vindolanda, construit au IIe siècle pour séparer les Romains des “barbares”. Les thermes de Bath, précurseurs d’une tradition encore bien vivace, offrent eux aussi un captivant voyage dans le temps.
Les Balkans romains
La présence romaine se fait fortement sentir sur la côte adriatique. Tout près de l’Italie, la Croatie abrite des sites romains majeurs. En plein cœur de la ville de Split, on s’émerveille devant le monumental palais de Dioclétien, résidence de l’empereur et de sa garnison, et son temple de Jupiter. Le musée archéologique de Split, qui rassemble une belle collection d’objets romains, grecs et paléochrétiens, offre une belle mise en perspective de cette visite. Plus au nord, le grand amphithéâtre de Pula est la pièce maîtresse d’une belle collection de vestiges, qui compte aussi un temple et un arc de triomphe.
L’Albanie est elle aussi profondément marquée par l’empreinte de Rome. Elle se ressent particulièrement dans l’ancienne cité côtière d’Apollonia d’Illyrie, qui fait face à la ville de Brindisi, port romain majeur qui ouvrait les portes de l’Orient aux armées impériales. Abandonnée au Ve siècle, Apollonia est aujourd’hui le plus grand parc archéologique du pays. L’héritage romain s’y mâtine d’influences grecques, de la même manière qu’à Butrint, ancienne colonie de vétérans nichée dans la verdure. À Durrës, un superbe amphithéâtre romain orné de fresques et mosaïques cohabite avec la muraille byzantine.
En Grèce, Rome affiche son triomphe en de nombreux lieux, tels que la colonie de Philippes, l’agora romaine et la bibliothèque et la porte d’Hadrien à Athènes, les thermes d’Épidaure, ou encore l’aqueduc de Mytilène. La Bulgarie, elle, abrite différentes cités et colonies romaines (Develtos, Diocletianopolis, Marcianopolis…) À Varna, sur les rives de la mer Noire, les grands thermes romains rencontrent l’influence ottomane. Aucun doute : on est bien là aux confins de l’empire romain d’Orient, dont nous explorerons la partie est dans un prochain article…
Pour aller plus loin :
- L’Europe archéologique. Chapitre VIII : L’Europe Romaine, par Irene Berlingò.
- Sur les traces de la Rome antique au Maghreb, Hasamélis.
- Au commencement de l’Albanie, les Illyriens, Paula Boyer, La Croix.
- Chute de la Rome républicaine et crise de l’Europe : des traits communs ?, Concordance des temps, France Culture.