Récemment, nous avons découvert cette citation de Léopold Berchtold, médecin, philanthrope et voyageur né en 1759 en Bohême :
« Débuter par la Hollande : 4 ou 5 semaines suffisent pour la bien voir. Diriger sur Hanovre, Berlin, Dresde, Prague et Vienne ; se replier sur Munich, Innsbruck et Milan ; on doit faire en sorte d’y arriver vers la seconde moitié de l’automne. Prendre ensuite la route de Modène, Ancône, Lorette et Rome : ne faire que s’y reposer, et se rendre directement à Naples. Partir de Naples assez tôt pour jouir des huit derniers jours du carnaval à Rome. Rester dans cette ancienne capitale du monde, jusques et y compris les dernières fêtes de Pâques. Reprendre la grande route de Florence, Bologne et Venise, où il est intéressant d’arriver pour la foire de l’Ascension. Gouverner sur Vérone, Mantoue, Piacenza, Gênes, Turin. Passer le reste de l’été et le second automne en Suisse, et l’hiver qui suit, à Nice, ou Montpellier. Enfin consacrer le printemps suivant à l’examen des principales villes de France, retomber sur Paris, y séjourner 4 à 5 semaines, et regagner par Bruxelles et Ostende les rives enchanteresses de la Tamise. En récapitulant cette esquisse de voyage, on s’apercevra que 28 à 30 mois suffisent pour l’exécuter. »
De quoi nous donner du grain à moudre pour penser notre rapport au voyage !
L’art de la lenteur
Deux ans et demi pour parcourir l’Europe : voilà un programme d’une étonnante lenteur, presque inconcevable aujourd’hui. Il suggère une autre mesure du temps, une autre relation au monde.
Notre modernité a fait du déplacement une habitude et du voyage une performance. Le programme s’optimise, les trajets s’enchaînent et les images s’accumulent, fixées artificiellement sur nos écrans. On tombe parfois dans l’écueil de « faire » un pays comme on rayerait une ligne sur une liste. Mais derrière cette frénésie, que demeure-t-il ?
Bien souvent, le temps manque pour comprendre, pour écouter, mais aussi simplement pour vivre l’expérience du dépaysement. Voyager lentement est donc une manière de retrouver plus de profondeur de champ.
De l’importance de “bien voir”
Certes, peu d’entre nous peuvent s’offrir le luxe de flâner des années durant à travers un continent. Mais quelle que soit la durée du voyage, il est intéressant d’envisager nos découvertes à l’aune de la lenteur.
Si cette citation nous interpelle, c’est qu’elle offre une conception du voyage où l’objectif n’est pas tant de tout voir, mais plutôt de bien voir. Une posture que nous cherchons à adopter, chez Hasamélis, au moment de concevoir nos itinéraires.
À une modeste échelle, passer deux jours ou plus à Pétra, ou prévoir une journée complète à Pompéi, est déjà une manière d’aller à rebours de la logique de consommation de sites. En s’attardant un peu, on prend le temps de distinguer les détails, d’écouter les histoires que les lieux ont à nous raconter ; on voit la lumière changer, les paysages s’animer ou les pas se raréfier…
Éloge du détour
Voyager lentement, c’est aussi accepter le détour. L’itinéraire de Léopold Berchtold, tracé au siècle des Lumières, n’a rien d’un plan d’efficacité : il serpente, s’attarde, revient. Il épouse les saisons et les cycles.
Le détour, loin d’être une perte de temps, ouvre la possibilité de la rencontre et de la nuance. Dès que cela est possible, Hasamélis conçoit ses voyages dans cet esprit d’alternance entre moments d’exploration et temps de pause. L’idée n’est pas d’enchaîner les sites, mais de laisser à chaque étape la chance d’exister pleinement. Ainsi, le voyage redevient un cheminement plutôt qu’une succession d’images.
Nous en sommes convaincues : c’est en prenant le temps de flâner qu’on s’ouvre véritablement au monde. Une journée passée à marcher dans une ville, à observer le va-et-vient de ses habitants, vaut souvent plus qu’une semaine d’excursions précipitées. Parfois, même, un imprévu – un train retardé, un orage inattendu, un café trouvé par hasard – devient le souvenir le plus précieux du voyage.
Une éthique du voyage
Hasamélis fonde sa vision du tourisme responsable sur une conviction : voyager, c’est d’abord prêter attention à ce qu’on découvre et à ceux qu’on rencontre. Au-delà d’une posture, nous voyons ainsi dans la lenteur une forme de respect.
Elle fait écho à la curiosité des humanistes, celle qui cherche à comprendre avant de juger, à écouter avant de parler. Elle évoque une manière d’être au monde humble, curieuse et consciente. L’idée n’est plus de chercher à tout voir et tout savoir, mais à être véritablement présent.
Lorsqu’il sort d’une logique de consommation du monde, le voyage soutient les économies locales ; il respecte les distances, les mémoires et les êtres. Voyager lentement, c’est entrer dans une relation plus juste avec la terre et ceux qui l’habitent, et redonner du sens à l’acte même de partir.
Retrouver la juste mesure
En relisant le programme de Léopold Berchtold, on comprend que le voyage n’est pas seulement un déplacement géographique, mais un luxe du temps retrouvé. Ce “bien voir” qu’il évoque contient tout un art de vivre : celui de la patience, de la mesure, de la gratitude.
Hasamélis a à cœur de s’inscrire dans cette tradition : celle des voyageurs attentifs, qui marchent au rythme de ce qui les entoure et pour qui la beauté se mérite.
Pour prolonger cette réflexion et savoir comment cette philosophie se traduit dans nos voyages, découvrez notre approche du tourisme responsable.