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À Cuba, une architecture sous influences

L'église de la Sainte-Trinité, Trinidad, Cuba (Hasamélis)
L'église de la Sainte-Trinité, Trinidad, Cuba (Hasamélis)

Est-ce la musique, partout présente, les locaux, si chaleureux, ou l’éclectisme coloré des façades ? Toujours est-il que déambuler dans les rues des villes cubaines a quelque chose d’enivrant. La Havane, Cienfuegos, Trinidad, Camagüey, Santa Clara, Holguín ou Baracoa : toutes racontent l’histoire mouvementée d’une nation insulaire qui a épousé depuis bien longtemps, à sa manière, la marche du monde. Du style colonial espagnol aux inspirations soviétiques, partons à la découverte d’une architecture plurielle, teintée de cinq siècles d’influences internationales.

Palacio de Valle, Cienfuegos, Cuba (Dieter Mueller / Wikicommons)
Palacio de Valle, Cienfuegos, Cuba (Dieter Mueller / Wikicommons)

La Cuba coloniale

Auparavant peuplée par des Amérindiens Ciboneys et des Arawaks dont l’habitat a laissé peu de traces, Cuba connaît son essor architectural à partir du début XVIe siècle, suite à l’arrivée des conquistadors espagnols. Particulièrement bien préservé, l’héritage colonial se décline dans de multiples styles.

Cuba à l’espagnole : forteresses, églises et inspirations mauresques

Plaza de Armas, La Havane, Cuba (Eric Marshall / Wikicommons)
Plaza de Armas, La Havane, Cuba (Eric Marshall / Wikicommons)

Dès 1511, les colons espagnols posent les premières pierres de Cuba avec en tête des objectifs militaires et commerciaux. D’ambitieuses fortifications éclosent à travers l’île, veillant jalousement les ports de La Havane ou Trinidad.

Autour, des villes à l’européenne émergent peu à peu. Souvent construites selon un plan en damier centré sur de grandes places, à l’instar de leurs grandes sœurs espagnoles, elles abritent de riches demeures et de splendides églises. Une culture ibérique mêlant tradition chrétienne et inspirations mauresques s’exporte à Cuba.

L’héritage colonial est particulièrement frappant dans La Habana Vieja, la vieille ville de la capitale, classée au patrimoine mondial de l’humanité. Ouverte sur la mer, associant architecture militaire ou religieuse et somptueuses bâtisses civiles, la cité a de faux airs de Cadix ou Tenerife. En son cœur, la plaza de Armas, cernée de palais, de forts et d’un temple où a été célébrée la première messe de l’île, est une parfaite synthèse de cet héritage colonial préservé.

Baroque italien et néo-classicisme français

La Cathédrale, La Havane, Cuba (Hasamélis)
La Cathédrale, La Havane, Cuba (Hasamélis)

Au XVIIIe siècle, l’architecture baroque, née en Italie, voyage jusqu’à Cuba. Les esclaves africains sont exploités pour bâtir des monuments alliant les codes de ce style à des caractéristiques plus locales. C’est ainsi qu’émerge à Cuba le “baroque espagnol”, dont la cathédrale de La Havane est un exemple grandiose.

Un siècle plus tard, le néoclassicisme s’impose sur l’île, sous l’impulsion des colons français. Ces derniers fondent notamment la ville de Cienfuegos, où ils introduisent un style haussmannien, tout en élégance sobre, ferronneries subtiles et façades symétriques aux teintes pastel. Au fil du XIXe siècle, le néoclassicisme s’installe également à La Havane, en particulier dans le quartier du Vedado, ainsi qu’à Trinidad ou Camagüey.

L’architecture cubaine dans les tourments du XXe siècle

En 1902, Cuba obtient son indépendance et s’ouvre plus encore sur le monde. La mainmise des États-Unis sur l’économie se fait croissante, jusqu’au revirement qui s’opère avec la révolution. Achevée en 1959, elle aboutit à l’isolement diplomatique du pays. Cette succession d’événements historiques a un impact direct sur l’architecture cubaine, contribuant à l’éclectisme qu’on lui connaît aujourd’hui.

Art nouveau, Art déco et inspirations américaines

Le Capitole, La Havane, Cuba (Hasamélis)
Le Capitole, La Havane, Cuba (Hasamélis)

À l’orée du XXe siècle, alors que l’Exposition universelle de 1900 se tient à Paris, Cuba vibre au diapason du monde occidental. L’Art nouveau, puis l’Art déco, traversent l’océan Atlantique pour s’implanter dans les grandes villes de l’île, au fronton des bâtiments publics comme des résidences privées.

Résolument Art déco, le bâtiment Bacardí de La Havane, du haut de ses 12 étages de granite rouge, semble tout droit sorti d’une rue de Manhattan. Un peu plus haut encore, le bâtiment López Serrano est lui aussi clairement conçu sous influence étatsunienne. Quant au Capitole de La Havane, il ne cache pas sa volonté d’imiter la grandeur de celui de Washington.

La première moitié du XXe siècle est une période où l’activité de construction se fait particulièrement intense, nourrie par l’essor de l’immigration et du tourisme. L’architecture cubaine se veut moderne, éclectique – en témoigne le Palacio de Valle à Cienfuegos, savant mélange de style mauresque, roman, gothique et vénitien – et résolument ouverte sur le monde.

Après la révolution : identité cubaine et influences soviétiques

Ecoles Nationales d'Art, Vittorio Garatti, Cuba (Mailandrex / Wikicommons)
Ecoles Nationales d’Art, Vittorio Garatti, Cuba (Mailandrex / Wikicommons)

Les suites de la révolution cubaine, entre difficultés économiques, embargo sur les matériaux et planification croissante, marquent le coup d’arrêt de ce “boom” architectural. L’URSS devient le principal partenaire de l’île, et Cuba s’oriente dans la deuxième moitié du XXe siècle vers la construction de bâtiments fonctionnels d’inspiration soviétique, marqués par une certaine austérité.

Un ambitieux projet se démarque toutefois à l’ère post-révolutionnaire : celui des écoles nationales d’art, dont la construction débute en 1961, et reste inachevée. Imaginés par Ricardo Porro, Roberto Gottardi et Vittorio Garatti, leurs bâtiments renouent avec une fibre socialiste plus idéaliste et exubérante. Ils illustrent une volonté de créer une architecture autochtone, inscrite dans les paysages cubains et utilisant des matériaux locaux, comme la terre cuite. Bien que le projet ait été abandonné en cours de route, ses courbes et voûtes de brique restent une référence majeure pour les amateurs d’architecture du monde entier.

Aujourd’hui, la splendeur et la décrépitude, l’opulence et le rigorisme, se côtoient au fil des rues de Cuba. Un voyage culturel à Cuba est l’occasion de découvrir un melting-pot architectural unique au monde, évocation vivante de la colonisation européenne et des remous du XXe siècle. Sous l’influence du renouveau touristique, d’ambitieux programmes de réhabilitation offrent un nouveau vernis au patrimoine de l’île. Pour autant, l’atmosphère authentique et singulière des villes cubaines demeure intacte !

Pour aller plus loin : 

  • Collection “L’Architecture cubaine sous toutes ses formes” dans la revue Cubanía.
  • Fiche de la vieille ville de La Habana sur le site de l’Unesco.
  • Chronique sur le projet inachevé de l’université des Arts par l’association Cuba Coopération France.
  • “La Havane a-t-elle été une ville étatsunienne ?”, un épisode du podcast Sans oser le demander sur France Culture.
  • “La Havane, l’architecture au cœur du tourisme”, archive INA de 2002.

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