Calligraphies arabes

© Lassaâd Metoui

Il y a quelques semaines, en décembre 2021, la calligraphie arabe a rejoint la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. A travers cette inscription, l’UNESCO reconnaît la richesse d’un art millénaire toujours en mouvement. En effet, “la pratique artistique consistant à retranscrire l’écriture arabe manuscrite avec fluidité, afin d’exprimer harmonie, grâce et beauté” ne cesse de se réinventer à la pointe du calame des artistes du monde arabe et d’ailleurs.

Du sacré au profane : aux origines de la calligraphie arabe

La calligraphie arabe a suivi au fil des siècles les sinueuses trajectoires de la langue et s’est enrichie des entrelacs de multiples cultures. Son histoire prend d’abord racine, bien sûr, dans celle de l’alphabet arabe, descendant des variantes nabatéenne ou syriaque de l’araméen. 

Elle est aussi intrinsèquement liée à la religion musulmane, l’écriture arabe étant le véhicule originel du message divin. La dimension sacrée de la langue a fait de la recherche d’harmonie, y compris esthétique, l’une de ses essences. Ainsi est né l’art de la calligraphie, qui s’est ensuite développé avec l’essor de l’Islam, essaimant dans le Moyen-Orient et au-delà. Mais en parallèle de son usage religieux, la calligraphie s’est également enracinée dans la vie civile, ornant monuments, objets d’art et écrits profanes.

Le voyage culturel de la calligraphie arabe

La Mosquée des Omeyyades à Damas, Syrie – © N. Brousse

Avec le temps, la recherche esthétique s’est approfondie et diversifiée, donnant naissance à différents styles en Orient d’une part, et dans le Maghreb et l’Espagne musulmane d’autre part. Elle s’est aussi richement métissée des cultures persanes et ottomanes lorsque les langues turque et perse ont été transcrites dans l’alphabet arabe. 

Devenue un art majeur dans l’ensemble du monde arabe, la calligraphie arabe a été strictement codifiée par des “maîtres” de la discipline autour du Xe siècle. Mais cela n’a nullement fait d’elle un art figé ; bien au contraire, elle a continué de se réinventer jusqu’à aujourd’hui.

La calligraphie arabe ou l’écriture symbolique

Comme le souligne l’UNESCO, “la fluidité de l’écriture arabe offre des possibilités infinies”. C’est sans doute grâce à cette versatilité que la calligraphie arabe a si bien su revêtir une triple fonction utilitaire, décorative et symbolique.

Etirées, arrondies, les lettres arabes deviennent motifs, épousent des formes géométriques ou s’entremêlent aux représentations de la nature. Leurs dessins se substituent à l’image et se font les vecteurs de multiples messages, sémantiques, symboliques et sensoriels, à la manière des calligrammes. A contrario, la calligraphie arabe a aussi le fascinant pouvoir d’emmener la langue sur le terrain de l’abstraction. 

Calligraphies contemporaines

© Lassaâd Metoui

Aujourd’hui encore, les artistes s’emparent de la calligraphie arabe pour jouer sur ces multiples tableaux. Dans l’œuvre de Nja Mahdaoui, elle fait corps avec les matériaux contemporains, et la “chorégraphie des mots” se décline tant sur des avions que sur des affiches et tapisseries. Dans les compositions flamboyantes de Lassaâd Metoui, les cultures conversent à travers la rencontre des arts de l’Islam traditionnels et de la peinture occidentale contemporaine.

Ailleurs, la calligraphie arabe se fait aussi le vecteur de messages politiques. Ainsi, lorsque l’artiste et photoreporter palestinien Belal Khaled pare d’arabesques un missile échoué à Gaza. Ou encore, lorsque le “calligraffiti”, subvertit astucieusement l’art traditionnel au profit d’une expression personnelle ou collective. 

Dans chacune de ces manifestations, on retrouve l’écho des paroles du grand artiste irakien Ghani Alani, pour qui la calligraphie est à la fois le reflet de l’âme de son auteur, et le témoignage vivant d’une civilisation. Sans aucun doute, la calligraphie arabe excelle à faire voyager les mots du passé au présent, du concret à l’abstrait, du personnel au collectif, du politique au symbolique. Mais aussi d’un langage particulier à un art universel, comme le souligne Alain Rey dans le passionnant ouvrage Le voyage des mots, illustré par Lassaâd Metoui.