Les voyages culinaires

Cet été, Hasamélis invite vos papilles au voyage. Expérience culturelle fondamentale, la découverte culinaire est une occasion de prendre le pouls du monde. Au croisement de la création et du patrimoine, la gastronomie est aussi en prise directe avec les enjeux sociétaux et environnementaux contemporains. Pour célébrer sa diversité et valoriser son potentiel, l’Unesco a lancé il y a près de vingt ans un réseau de “villes créatives de gastronomie”. Elles sont aujourd’hui une quarantaine (dont une française : Rouen) à faire partie de cette constellation. Partons à leur découverte pour un voyage gourmet hors des sentiers battus.

 

Des traditions culinaires bien vivantes

Première étape en Chine pour découvrir un héritage culinaire perpétué depuis plusieurs millénaires et caractérisé par sa diversité. À Shunde, non loin de la côte sud, on se délecte d’une cuisine cantonaise raffinée et rafraîchissante, où les produits de la mer ont la part belle. L’influence aquatique se fait aussi sentir à Huai’an, ville de l’est située sur le Grand Canal de Chine, célèbre pour ses écrevisses mitonnées à l’ail haché. À l’intérieur des terres, à Chengdu, dans le Sichuan, les mets regorgent de saveurs, relevés par des piments importés d’Amérique après la colonisation européenne, ou par le fameux poivre local.

Les villes créatives de gastronomie sont, pour la plupart, les berceaux et écrins de gastronomies reconnues. Ainsi, un détour par Jeonju, en Corée du sud, est l’occasion rêvée de découvrir le fameux bibimbap, plat de riz, viande et légumes, ainsi que d’autres mets emblématiques de la cuisine du pays. À Rasht, en Iran, ce sont autant les méthodes de cuisson ou les ustensiles que les ingrédients qui donnent à l’héritage culinaire son identité. Tsuruoka, au Japon, cultive une cuisine simple, basée sur des ingrédients ancestraux et intimement liée aux coutumes spirituelles locales. Carpes frites, soupes d’edamame et patates douces aux châtaignes se dégustent en petites assiettes, au pied des montagnes et des temples.

Bien souvent, la culture gastronomique s’inscrit pleinement dans l’histoire du territoire. Ainsi, Cochabamba, en Bolivie, perpétue le legs de l’empire inca dont elle fut le principal centre de production céréalière. L’espagnole Burgos, mène quant à elle d’intenses recherches autour de l’alimentation en lien avec son patrimoine archéologique. La cuisine est aussi un patrimoine en mouvement, dont s’empare par exemple Buraidah, carrefour saoudien des anciennes routes marchandes, pour se revitaliser.

Gastronomie et dialogue interculturel

Une viande de porc parfumée d’épices et cuite à l’étouffée sous la terre : voilà le secret du cochinita pibil, plat traditionnel de la région mexicaine du Yucatán, servi un peu partout dans sa capitale, Mérida. L’influence maya est bien présente dans la cuisine locale, et Mérida, consciente de ses racines, mène un ambitieux programme de soutien à la gastronomie autochtone. Dans une ville caractérisée par son métissage, celui-ci est considéré comme un levier majeur pour l’inclusion sociale.

Ouverte à toutes les hybridations, la gastronomie est un lieu privilégié d’échange et de dialogue. Nombreuses sont les villes qui misent sur elle pour favoriser le vivre-ensemble, en Turquie notamment, de Gaziantep à Afyonkarahisar en passant par Hatay. Des projets y sont menés autour de l’autonomisation des femmes ou encore de l’intégration des migrants via la cuisine. En Thaïlande, Phuket fait de la transmission et de la rencontre intergénérationnelle les maîtres-mots de sa culture culinaire. Jeunes et moins jeunes cuisinent ensemble le knanom chin, plat de nouilles de riz fermentées servies avec une soupe de curry à la viande.

Ailleurs, la tradition culinaire peut être un moyen de panser des plaies et de faire renaître l’échange. Ainsi, Buenaventura, ville meurtrie par le conflit armé colombien, voit en elle le meilleur moyen de rassembler ses habitants. Se réunir autour d’une soupe de crabe ou de riz coco aux bananes plantain peut être une manière de restaurer le dialogue et de retrouver ses racines communes.

L’art de nourrir, d’hier à demain

L’identité culinaire de chacune des “villes créatives” est intrinsèquement liée à l’écosystème dans laquelle elle s’inscrit. De la terre à l’assiette, il ne devrait y avoir qu’un pas, et c’est aussi pour valoriser ceux qui repensent notre culture alimentaire et mobilisent la créativité en réponse aux enjeux contemporains que l’Unesco a développé ce réseau.

C’est en premier lieu vers l’Europe que le regard se tourne lorsqu’il s’agit de promouvoir une gastronomie responsable. Bergen, en Norvège, intègre pleinement l’alimentation, au même titre que le tourisme, à sa politique écologique. Cuisiné en soupe, en croquette ou à la vapeur, le poisson vendu au marché central est issu d’une pêche locale de saison. Elle aussi tournée vers la mer, Dénia, sur la côte est de l’Espagne, défend les vertus du régime méditerranée et de l’alterconsommation. À Thessalonique, en Grèce, les produits locaux ont la part belle, et se dégustent aussi bien entre les étals du marché Modiano qu’au festival gastronomique.

Grande terre culinaire, l’Italie se veut aussi à la pointe en matière de créativité et d’écologie. À Bergame (capitale italienne de la culture en 2023), la tradition fromagère épouse une ambitieuse politique en faveur de l’environnement et du commerce équitable. À Parme, en plein cœur de la “vallée gastronomique italienne”, le label Unesco valorise un engagement pour l’agriculture durable. Dans les années 1990, la petite ville d’Alba, dans le Piémont, a été l’un des épicentres du mouvement slow food. Aujourd’hui encore, elle célèbre une gastronomie responsable et l’allie dès que possible aux arts vivants. Cet automne, les gourmets se rassembleront pour la 93e édition de sa fiera del tartufo (foire de la truffe blanche), au thème éloquent : que sera l’Alba du futur ?

Rendez-vous le mois prochain pour de nouvelles escales gourmandes, placées cette fois-ci sous le signe de l’œnotourisme !

La liste complète des villes créatives de gastronomie est à retrouver sur le site de l’Unesco.